Pour les traducteurs que nous sommes et qui faisons par définition un travail assez solitaire, les Assises de la traduction (organisées par ATLAS – l’association pour la promotion de la traduction littéraire) sont un moment de convivialité bienvenu.
J’avais déjà assisté à plusieurs éditions antérieures, et c’est à chaque fois un plaisir renouvelé. Cette année n’a pas dérogé à la règle, avec en prime un effort remarqué des organisateurs pour varier les approches (avec des conférences très sérieuses mais aussi des jeux) et l’horizon des intervenants (outre les traducteurs, il y avait aussi des philosophes, historiens, écrivains…)
Le thème de ces Assises 2018 – traduire le temps – est vraiment un sujet qui nous concerne au premier chef, nous les traducteurs, car le maniement des temps est déterminant dans la réussite d’une traduction (on dit parfois que c’est le piège mortel du français). C’est donc une question à laquelle nous réfléchissons en permanence. Les conférences et ateliers organisés autour du thème ont stimulé cette réflexion et l’ont fait déborder hors du cadre strictement grammatical, nous invitant à en élucider toutes les formes et à nous interroger sur des expressions que nous employons sans mesurer toutes leurs implications, ou encore à nous confronter aux solutions que d’autres langues ont imaginées. A titre personnel, ce thème m’intéresse aussi en tant qu’écrivain car il peut être l’armature d’une construction romanesque. Il n’est que de voir ce qu’en a fait un Juan José Saer, dont l’universitaire Julio Premat nous a brillamment introduit à l’oeuvre.
Cette année, je retiendrai aussi particulièrement la conférence inaugurale d’Étienne Klein, les « Lectures caféinées », où chacun a pu lire à la cantonade quelques minutes d’un texte lui tenant à coeur (j’ai eu le plaisir de lire un passage de ma traduction de La Marcheuse, de l’écrivaine syrienne Samar Yazbek), l’entretien avec Jean-Pierre Minaudier et son extraordinaire prédilection pour les grammaires étrangères, enfin la table ronde sur la traduction de l’ancien français avec Marie-Madeleine Fragonard et Nathalie Koble. Mais il y avait bien d’autres rencontres qui m’ont fait de l’oeil sans que je ne puisse y assister, faute d’avoir un don d’ubiquité.
Au-delà des thèmes, c’est surtout l’occasion de discuter, en se promenant dans les rues d’Arles ou en se retrouvant à la terrasse d’un café, avec les consoeurs et confrères pour entretenir le lien d’amitié et se raconter des histoires de… traducteurs.