It must be Heaven

Vu au cinéma It Must Be Heaven, le dernier film du grand cinéaste palestinien Elia Suleiman, avec Elia Suleiman, Gael Garcia Bernal, Yasmine Haj, Grégoire Colin, Vincent Maraval…

https://youtu.be/rGfJh7iOFYc

Les films de Suleiman ne ressemblent à aucun autre et défient la critique. Impossible de résumer le scénario car il n’y a pas d’ « histoire » à proprement parler, juste une succession de saynètes qui mises bout à bout forment une création sidérante. Car oui, à condition de se laisser porter et de renoncer aux attentes traditionnelles qu’on peut avoir vis-à-vis de films plus « terrestres », on sera immanquablement gagné par un état de sidération.

Même si on a pris l’habitude de voir le réalisateur se mettre en scène lui-même dans ses films (en même temps que – non sans une grande émotion – on le voyait également vieillir), on est séduit dans ce dernier film par sa figure d’observateur à la fois plus mutique que jamais et terriblement contrapuntique. Au sens où sa silhouette et son visage, tantôt impassible, tantôt stupéfait, servent de « contrepoint » à ce qui se passe dans sa Palestine, aussi bien celle qui est là-bas, dans ce Moyen-Orient désespérant, et dont la beauté spoliée nous brise le coeur, que celle qu’il emporte avec lui dans ses voyages, source d’espoirs et de malentendus.

Cette figure stoïque rappelle ostensiblement celle de l’enfant Handhala, le personnage créé par le caricaturiste palestinien Naji al-‘Ali, que son créateur, assassiné en 1987, avait décrit ainsi:
«Handhala est né à l’âge de 10 ans et depuis son exil les lois de la nature n’ont aucune emprise sur lui. Il ne recommencera à croître que lors de son retour sur sa terre natale. Il n’est pas un enfant bien portant, heureux, serein et couvé. Il va nu-pieds comme tous les enfants des camps de réfugiés. Ses cheveux sont ceux du hérisson qui utilise ses épines comme arme. Bien qu’il soit rude, il a l’odeur de l’ambre. Ses mains, toujours derrière son dos, sont le signe du rejet des solutions porteuses de l’idéologie impérialiste et sioniste. Au début il était un enfant palestinien, mais sa conscience s’est développée pour devenir celle d’une nation puis de l’humanité dans sa totalité. Il a fait la promesse de ne jamais se trahir. Handhala veut dire amertume.»

Pour en revenir à « It Must Be Heaven », chaque moment de ce film est à déguster, avec des images somptueuses, une bande-son superbe, et plus que tout, la sensation de vivre une expérience unique.
S’il fallait mettre en avant deux moments:
– l’arrivée d’ES à Paris – un Paris d’outre-monde, paradis des jolies femmes et des policiers, soit la ville telle qu’elle apparaîtrait à un homme ayant passé sa vie entouré de barbelés et de murs de la honte;
– ensuite l’haletante traque d’une angélique égérie palestinienne dans les jardins de Central Park (séquence déjà culte à l’instar de celle du passage du check-point par Manal Khader dans Intervention divine).

Un film à voir absolument.

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