Un+Une

Vu au cinéma « Un+Une », le nouveau film de Claude Lelouch. [Bon d’accord, ce film ne mérite pas vraiment un statut, mais je me fais la main avant de vous parler prochainement de « Nous trois ou rien », le très joli film « iranien » de Kheiron.]

Synopsis:
Antoine ressemble aux héros des films dont il compose la musique. Il a du charme, du succès, et traverse la vie avec autant d’humour que de légèreté. Lorsqu’il part en Inde travailler sur une version très originale de Roméo et Juliette, il rencontre Anna, une femme qui ne lui ressemble en rien, mais qui l’attire plus que tout. Ensemble, ils vont vivre une incroyable aventure…

Mon avis:
Évidemment, j’étais un peu méfiant: Lelouch+ce titre+ce synopsis, ça sentait la bluette lelouchienne à plein nez. N’y va pas, me susurrait une petite voix. Eh bien, j’aurais peut-être dû l’écouter.

Certes, il y a de belles performances d’acteurs (ce qui est, avec la caméra à l’épaule, la marque de fabrique de Lelouch). Jean Dujardin est excellent, même s’il a parfois l’air de sortir tout droit d’OSS 117. Alice Pol tire très bien son épingle du jeu, même si on regrette qu’elle soit sous-utilisée. Quant à Christophe Lambert et Elsa Zylberstein, ils font au mieux pour dire les dialogues affligeants qu’on leur a mis dans la bouche.

Le problème, c’est qu’en voulant jouer sur la recette éprouvée de l’histoire-d’amour-entre-deux-êtres-que-tout oppose, Lelouch a eu la main lourde. Très lourde.
Antoine est tellement déconneur et bas du front qu’il peut difficilement passer pour un compositeur de génie (d’ailleurs, les scènes où on le voit au travail – « Ouais, mets-moi un peu plus de hautbois, pourquoi pas? » – ne sont pas crédibles un instant). Quant à Anna, elle s’ennuie tellement dans son rôle d’ambassadrice qu’elle nous abreuve d’un discours qui semble tiré de « La mystique indienne pour les Nuls ».

On touche là à l’aspect le plus déplaisant du film, où l’Inde n’est qu’un prétexte à belles images, sans qu’à aucun moment on ne s’intéresse véritablement aux Indiens (le seul autochtone qu’on effleure est le réalisateur Rahul, mais il est tellement occidentalisé qu’on a envie de l’appeler Raoul, et il passe autant pour le « maître de la nouvelle vague indienne » que Lelouch appartient à l’école de la sobriété bressonnienne).
Toute cette partie indienne, y compris celle qui se veut philosophique et méditative et qui est censée donner de la profondeur et du sacré à ce qui n’est qu’un vaudeville mille fois vu, est traitée comme une carte postale. Seule en émerge la figure extraordinaire de Amma, authentique sainte locale qui passe son temps à étreindre les fidèles venus solliciter son intercession, sorte de cure d’affection qui – on a envie d’y croire – donnerait des résultats miraculeux. D’ailleurs, conscient de tenir là la seule originalité de son propos, Lelouch l’étire à l’envi, au risque de cannibaliser le reste du film.

Pour être juste, il faut signaler enfin que le film comporte une scène véritablement poignante (entre Jean Dujardin et Venantino Venantini). Sauf qu’elle dure… 2mn sur un film de près de 2h.

Copyright Khaled Osman (décembre 2015)

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