Rivé au sol, il avance avec les dents plantées dans la terre…

Il est en train de se passer quelque chose avec La Demeure du vent, le nouveau roman de Samar Yazbek, puisqu’il y a encore – décidément! – une superbe critique, cette fois signée de Muriel Steinmetz dans L’Humanité (extraits):

« Samar Yazbek ne cesse de donner à voir la guerre qui sévit dans son pays. […] Après s’être mise dans la peau d’une très jeune fille, atteinte de dromomanie (manie qui consiste à marcher sans frein) en pleine guerre, dans La Marcheuse (2018), elle campe à présent un jeune soldat de l’armée syrienne, Ali, blessé à mort sur la ligne de front.

II gît à terre après avoir été projeté en l’air par l’explosion d’une bombe. Se vidant de son sang, il reprend peu à peu conscience et se remémore son passé. Le récit va de son éveil douloureux d’homme cloué au sol, à qui il reste peu à vivre, aux hallucinations récurrentes qui signent sa fin prochaine. Mort-vivant, assigné à résidence par son corps, rivé au sol, il avance avec les dents plantées dans la terre, pour mieux se rapprocher de l’arbre censé le protéger.[…]

Dans ses souvenirs émergent des images de femmes: « la Rouquine », chamane plus que centenaire, le cheveu passé au henné, tuée par des barbus, et Nahla, sa mère, au coeur déjà dévoré par la perte de son fils aîné, un militaire. Se dessine en creux une population de villageois pauvres, égoïstes et crispés car « trop absorbés à enterrer leurs enfants décédés et à garder vivants ceux qui leur restaient ». La vision s’étend au pays tout entier, « couvert de nouvelles formes de tombeaux», certains « de taille réduite » pour enterrer uniquement « des fragments de cadavres humains démembrés », et d’autres, des « fosses géantes » pour des « centaines de dépouilles ». »
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La Demeure du vent, Samar Yazbek, (trad. Ola Mehanna et Khaled Osman), collection La Cosmopolite, Stock, janvier 2023.

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